Il y a 156 ans naissait à Lyon Hector Guimard. Looking Up Paris vous propose de revenir sur le parcours parisien de l’architecte, représentant majeur de l’Art nouveau dans la capitale. Rappelons que ce mouvement artistique qui se développe en Europe à la fin du 19e et prend fin à la 1ère guerre mondiale, ne s’est jamais imposé en France dans l’architecture des bâtiments officiels, mais a néanmoins laissé sa marque dans l’ornementation et la statuaire de sites prééminents du tournant du siècle, comme les Grand et Petit Palais. Formé à l’École des Arts Décoratifs et à l’Ecole des Beaux-Arts, Hector Guimard s’applique tout au long de sa carrière à développer une vision personnelle de l’architecture, un style qu’il définit comme s’articulant autour de 3 principes « logique, harmonie, sentiment » et qui s’appuie sur la doctrine de « fonctionnalisme » de Viollet le Duc. Très tôt donc, l’usage du fer et de la fonte, le rejet des académismes historicistes et le choix du gothique comme exemple d’une architecture rationnelle et fonctionnelle, sont à la base de son modèle.
Le virage d'Hector Guimard vers l’Art nouveau se produit dans les années 1894-95 : se détournant du traditionnel séjour à Rome, il met le cap sur l’Angleterre, l’Irlande, la Hollande et la Belgique. Le style pittoresque des cottages anglais fait alors son apparition dans ses croquis. Mais le choc décisif, qui marquera son style jusqu’à la fin de sa carrière est sa rencontre avec l’architecte Victor Horta, et la découverte de l’hôtel Tassel (1892-93) à Bruxelles, œuvre fondatrice de l’Art nouveau en architecture. Il intègre alors l’esthétique de la ligne courbe à l’ensemble de ses productions, à commencer par son chantier en cours, le Castel Béranger, un immeuble d’habitation situé au 14 rue Jean de la Fontaine dans le 16e arrondissement. C’est ainsi qu’aux volumes géométriques d’inspiration médiévale du gros œuvre, hérités des théories de Viollet Le Duc - et que l’on retrouve sur la façade de sa construction précédente, l’hôtel Jassedé (1893) au 41 rue Chardon Lagache - se mêle à profusion la ligne organique « en coup de fouet » importée de Belgique. Comme Horta à l’hôtel Tassel, Guimard va également dessiner les moindres détails de la décoration extérieure (masques des balustrades et hippocampes en fonte, chat en céramique émaillée, vitraux...) et intérieure (tapis de sol, papiers peints, lambris en linoleum, rampes d’escalier, poignées de portes, panneaux en grès flammé…) pour produire une œuvre d’art totale. Tout ceci est présenté dans un Album, contenant 65 planches, publié en 1898. Même si le Castel Béranger ne fait pas l’unanimité auprès de ses contemporains - certains le surnomment le « Castel dérangé » - l’immeuble rend son créateur célèbre du jour au lendemain et est primé au premier concours des façades de la Ville de Paris en 1898.
Si cette célébrité est alors encore essentiellement française, elle va dans les années qui suivent devenir universelle, puisque de 1900 à 1903, Hector Guimard conçoit les premières entrées du métro parisien (3 modèles plus ou moins complexes, 167 accès édifiés de 1900 à 1913), qui sont à la fois liées à l’image de la capitale française dans le monde et des témoins incontournables du style Art Nouveau. On retrouve fer, fonte, verre et lave émaillée pour les matériaux, courbes organiques pour les lignes. Et comme à son habitude, l’architecte a habilement combiné le fonctionnel et l’esthétique, l’art et l’industrie, permettant ainsi une standardisation, allégeant les coûts et facilitant la mise en place. Mais d’une manière générale, le déclin de l’Art nouveau se profile, et beaucoup des entrées d’origine sont laissées à l’abandon ou détruites. Ce n’est que dans les années 70 qu’on reconnaît leur caractère esthétique et historique et qu’elles sont restaurées et protégées au titre des monuments historiques.
A partir de 1909, Hector Guimard poursuit lui aussi la maturation de sa vision et retourne vers l’architecture privée avec un style « assagi », un rythme vertical simple et calme, un répertoire ornemental plus discret, plus dépouillé. Suite à son mariage la même année avec l’artiste peintre américaine Adeline Oppenheim, il conçoit, jusque dans les moindres détails du mobilier, l’hôtel Guimard au 122 avenue Mozart, qui sera la résidence du couple jusqu’en 1926. Si, dans les immeubles construits durant cette période (le dernier est achevé en 1928) dans le quartier d’Auteuil, on note une tendance à la symétrie des ouvertures et une affirmation du rythme vertical, les lignes courbes toujours présentes autour des fenêtres, les formes arrondies des bow windows et les toitures en gradins induisent un mouvement qui donne vie à la façade. Cela est particulièrement apparent dans l’immeuble situé au 18 rue Henri Heine dans lequel le couple s’installe en 1926 au 3e étage. C’est leur dernier lieu de vie à Paris, avant leur départ pour New York en 1938 où Hector Guimard très affaibli finira ses jours en 1942.
Après la guerre, Adeline Guimard fait don d’une grande partie des dessins et maquettes, meubles et objets conçus par son mari à différents musées parisiens, et on peut aujourd’hui les découvrir au Musée d’Orsay, au Musée des Arts décoratifs, au Petit Palais, et à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
Bravo, magnifiques photos !